Prédites par la théorie de la Relativité générale d’Einstein en 1915, elles sont les stars de l’actualité scientifique depuis quelques mois. Détectées pour la première fois cent ans plus tard par l’instrument LIGO (Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory) aux États-Unis, les ondes gravitationnelles fascinent scientifiques et néophytes. Éclairage sur ces ondes d’un nouveau genre.
Deux trous noirs fusionnent en un plus massif
À ce jour, deux types d’ondes gravitationnelles ont été observés : des ondes issues de la collision de deux trous noirs (quatre premières détections) et de la collision de deux étoiles à neutrons (cinquième et dernière détection du 17 août 2017, la plus récente). Alors, que se passe-t-il quand deux corps très denses et très compacts entrent en collision ? Réponse : une déformation de l'espace-temps! Pas de panique, on vous explique.
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Il y a 1,3 milliard d’années, deux trous noirs sont entrés en collision. Ces objets célestes invisibles, si compacts que leur champ gravitationnel empêche matière et lumière de s’en échapper, avaient respectivement une masse 29 et 36 fois supérieure à celle du Soleil. Et leur vitesse était immense : 200 000 km/s, c’est-à-dire les deux tiers de la vitesse de la lumière ! En une fraction de seconde, ils ont alors fusionné en un trou noir unique de 62 masses solaires. Or, 29 + 36 = 65. La masse du trou noir final devait donc être de 65 masses solaires et non de 62. Pourquoi ?
E=mc2
C’est notre cher Einstein qui détient la réponse dans sa célèbre formule E = mc2. L'énergie (E) vaut la masse (m) multipliée par la vitesse de la lumière (c) au carré. Ainsi, le trou noir final est plus léger que la somme des deux trous noirs initiaux car une partie de leur masse (ici, l’équivalent de trois Soleils) s’est convertie en... ondes gravitationnelles.
Ondes gravitationnelles qui ont voyagé à la vitesse de la lumière et sont arrivées 1,3 milliard d’années plus tard sur Terre, sur le détecteur LIGO, le 14 septembre 2015.
En théorie, tous les objets massifs et accélérés peuvent créer des ondes gravitationnelles. Mais la gravitation est une force bien plus faible que les autres forces présentes dans l’univers. C’est pourquoi les objets mis en mouvement doivent être très massifs et très rapides pour générer des ondes détectables depuis la Terre. C’était le cas de ces deux trous noirs.
L’espace-temps se met à vibrer
De plus, d’après la théorie de la relativité générale de notre physicien favori, l’espace est élastique et peut être façonné par la matière qui s’y trouve, comme si l’on posait une boule de pétanque sur un drap tendu. Ainsi, un objet statique très massif déforme l’espace autour de lui. Si l’objet se déplace et accélère, cela modifie également la forme de l’espace le long de son parcours. Ceci se manifeste par une vague qui se propage dans l’univers tout entier, tels des ronds dans l'eau d'un étang après y avoir jeté une pierre. Ces vibrations de l’espace-temps sont les ondes gravitationnelles
Sur leur passage, ces ondes dilatent puis contractent l’espace. Ainsi, tout objet qui se trouve sur le trajet d’une onde gravitationnelle voit sa longueur varier ! Comme si l’espace entre les atomes de ses molécules s’étirait puis se resserrait. C’est ce phénomène qui a été perçu sur notre Terre grâce aux mesures ultra-précises de longueurs réalisées au sein des détecteurs LIGO et Virgo par interférométrie laser.
Collision inédite de deux étoiles à neutrons
Les trois observations d’ondes gravitationnelles qui ont suivi celle du 14 septembre 2015 sont également le résultat de la fusion de deux trous noirs. Mais le 17 août dernier, LIGO et le détecteur franco-italien Virgo ont observé pour la première fois la collision de deux étoiles à neutrons situées à 130 millions d’années-lumière de nous.
Ces astres sont ultra-denses, comme les trous noirs, ce qui rend observables depuis la Terre les ondes gravitationnelles issues de leur fusion. Une étoile à neutrons mesure environ la taille d'une ville comme Londres, mais une petite cuillère de sa matière pèse un milliard de tonnes… Exclusivement composée de neutrons – l’un des constituants des noyaux des atomes – l’étoiles à neutrons résulte de l’explosion d’une étoile massive et reste l’étoile la plus petite et la plus dense connue à ce jour.
L’analyse des signaux de LIGO et Virgo du 17 août a d’ailleurs permis d’estimer les masses de ces deux astres d’environ 15 km de rayon comprises entre 1,1 et 1,6 fois la masse du Soleil alors que celui-ci est presque 50 000 fois plus gros.
Toute la planète astronomique sur le pont
D’autre part, la différence majeure entre la collision de deux trous noirs et de deux étoiles à neutrons est que dans ce cas, l’émission des ondes gravitationnelles s’accompagne d’émissions de rayonnements. Le satellite Fermi de la Nasa et le satellite Integral de l'Agence spatiale européenne (ESA) ont ainsi enregistré un sursaut gamma – un flash de rayonnement très énergétique.
Les scientifiques de la collaboration One-Meter Two-Hemispheres (1M2H) utilisant le télescope américain Swope au Chili et les télescopes DLT40, VISTA, MASTER, DECam, et Las Cumbres qui observent comme Swope dans la partie visible du spectre lumineux, ont quant à eux assisté à l’apparition d'un nouveau point lumineux dans la galaxie NGC 4993. Enfin, une émission radio environ une semaine après le commencement a aussi été perçue.
Grâce à LIGO et Virgo, une nouvelle manière d’observer vient ainsi de voir le jour. Lorsqu’ils détectent le passage d’une onde gravitationnelle, l’alerte est immédiatement donnée aux observatoires du monde entier, qui prennent le relais pour observer l’événement dans toutes les gammes de rayonnement. C’est cette « astronomie gravitationnelle » qui nous a permis pour la première fois d’assister à la collision de deux trous noirs et de deux étoiles à neutrons.
Par Jean Marc BONATO
Par Jean Marc BONATO
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